Le numérique est-il le talon d’Achille de la justice française ? Tout laisse à penser que si. En octobre dernier, la députée LREM Laetitia Avia, rapporteuse d’un rapport sur le budget de la mission justice, a dressé un bilan pour le moins sévère sur la transformation numérique du ministère. Le point.
Un constat alarmant
« Il y a urgence à se saisir pleinement du sujet et à faire de la transition numérique non pas une ambition de long terme mais un projet à réaliser à court terme, avec des obligations de résultat. Il en va de la continuité et de l’efficacité du service public de la justice ». C’est en ces termes que Laetitia Avia s’est exprimé devant la commission des lois de l’Assemblée nationale ce mercredi 21 octobre 2020, à l’occasion de son rapport sur le budget de la mission justice, dressant un bilan sévère sur la transformation numérique de la justice. A l’entendre, on comprend aisément que les efforts affichés dans la loi de programmation et de réforme de la justice du 23 mars 2019 n’ont visiblement pas produit les effets attendus.
Dans le détail, Mme Avia note qu’en matière d’ordinateurs portables, le taux d’équipement des magistrats du parquet était de 80% en 2019, celui du siège de 76% et celui des greffes de 7%. Résultat : pendant le confinement, les magistrats ont eu la possibilité de travailler chez eux, ce qui n’est pas le cas des greffiers. A ce propos, Laetitia Avia ajoute que « l’ensemble des logiciels de la chaîne civile est très ancien – ils sont construits autour du logiciel de traitement de texte WordPerfect qui, datant des années 1990, est obsolète et incompatible avec les autres logiciels -, ce qui rend complexe toute évolution ». De plus, avec l’émergence de legaltech ou startup comme Startdoc, digitaliser l’administration française devient une réalité à laquelle nous ne pouvons plus couper.
Grands projets informatiques : « des difficultés à respecter les coûts et les délais »
La députée LRM souligne un autre fait inquiétant en matière de réalisation des grands projets informatiques. Selon elle : « le ministère de la justice se caractérise par des difficultés à respecter les coûts et les délais lors de la réalisation de grands projets informatiques. Ainsi, le taux d’écart budgétaire agrégé de ces grands projets s’élève à près de 33% en 2018 et à 21% en 2019 ». La solution ? Pour Laetitia Avia, il faudrait remettre en question le projet Portalis, dont on attendait qu’il structure toute la chaîne civile : « Il faut abandonner les projets pharaoniques, étalés sur dix ans ou plus, faisant l’objet d’une sous-évaluation dès l’origine et qui seront probablement obsolètes dès leur mise en œuvre ».
6 axes prioritaires pour la transformation numérique de la justice
Dans son avis budgétaire sur la justice et l’accès au droit, Laetitia Avia propose de s’appuyer sur six axes prioritaires pour mener à bien la transformation numérique de la justice :
- Mettre l’accent sur l’équipement numérique ;
- Assurer la fluidité des échanges entre les acteurs du droit ;
- Définir des priorités dans le développement des grands projets ;
- Réussir la dématérialisation de l’aide juridictionnelle ;
- Garantir la mise en œuvre des dispositions de la loi de programmation et de réforme de la justice relatives au numérique.